L'ange vengeur


La vieille femme avançait lentement dans la rue sombre, sans se douter du danger qui l'attendait. L'homme sortit de l'ombre comme une flèche, arracha le sac des mains de la vieille personne. Il avait déjà disparu lorsque la vieille dame disparut dans la rue d'en face. La dame se dirigea vers le poste de police le plus proche pour y déposer sa plainte. On lui répondit que la police avait autre chose à faire que de s'occuper des vols à la tire, et que la somme volée n'était pas suffisante pour qu'un inspecteur fasse le déplacement. Elle rentra chez elle en grommelant contre la police qui n'était pas capable de sécuriser les rues de la ville, et contre ce maudit voleur qui attaquait les pauvres femmes sans défense. Elle arriva chez elle, passa le portail de fer forgé où s'accumulait la rouille, et poussa la porte de la vieille maison. Ce qu'elle vit la fit hurler d'effroi.

La soirée avait été plutôt bonne pour Matthieu Carlier. Il avait réussi à amasser une somme considérable en quelques heures. L'inefficacité de la police facilitait grandement les choses, et marcher dans la rue devenait aussi dangereux que de conduire à contresens. La vieille dame, en particulier, avait un portefeuille bien garni. Il se demanda pourquoi les personnes âgées trimballaient toujours autant d'argent sur eux. Il finit par se dire que cela n'avait aucune importance; de plus, il appréciait ce fait: c'était son gagne-pain. Il avançait lentement le long du mur, tout en comptant son magot. Il fut surpris lorsqu'un homme surgit de l'ombre, à moins de deux mètres de lui. Il était grand, habillé d'un long imperméable noir, et d'un chapeau en feutre, noir également, comme pendant les années cinquante. Matthieu essaya de distinguer son visage, mais l'obscurité, omniprésente dans la ville, le lui cachait. L'homme le dépassa, et Matthieu sentit une désagréable sensation. Il se retourna. L'homme avait mystérieusement disparu. Il revint sur ses pas, pour en être sur, lorsqu'il sentit une présence derrière lui. L'homme se tenait à un mètre de lui, immobile. Matthieu s'affolait. Peut-être était-ce un de ces enfoirés de flics, qui l'avait retrouvé. Il sortit un couteau. Ce ne serait pas son premier meurtre. Il se remémora la terrible bagarre qui avait explosé entre les gangs de la ville, pendant l'été. Matthieu faisait partie d'une des deux bandes. Il se souvint le contact rassurant de la crosse contre sa paume, du recul de l'arme, et du flot de sang qui s'était écoulé de la blessure. L'homme était tombé lentement, en regardant stupidement le sang s'écouler de son ventre. Il s'était écroulé, et était resté pendant plusieurs minutes à gémir sur le sol, de plus en plus faiblement, pendant que les jeunes voyous bourraient ses côtes de coups de pieds. Il se souvint de la mare rougeâtre sur le sol, de la douille encore fumante, et du sentiment de puissance qui l'avait alors gagné. Un homme désarmé est faible, pensait-il.

La lame jaillit du manche avec un bruit sec. Matthieu eut un rictus affreux avant de projeter son arme en avant. La lame fendit l'air, et rencontra le vide. La main de l'homme jaillit, et attrapa le bras de l'agresseur. Il le tordit violemment, sans aucun effort apparent. L'homme avait des gestes rapides et maîtrisés, pliant le bras juste assez pour ne pas le casser, tout en provoquant une douleur maximale. Il effleura la main du jeune homme, qui lâcha aussitôt son arme.

« Je pense que vous devriez vous attaquer à des personnes un peu plus valides que cette pauvre femme. Je n'apprécie pas que l'on abuse de sa force sur les personnes faibles. Je vais donc devoir vous punir. »

L'homme rejeta violemment Matthieu, se saisit du couteau et joua avec la lame. Le voleur se releva péniblement en massant son bras douloureux. Cet être était doté d'une vitesse et d'une maîtrise de soi incroyable. Cet homme connaissait probablement les arts martiaux, bien mieux que lui, en tout cas. Mieux valait fuir. Il s'élança en courant dans la direction opposée au sinistre personnage. Un douleur fulgurante lui déchira la jambe. Il tomba, incapable de rester debout. Le couteau avait transpercé la jambe si violemment que la lame ressortait de l'autre côté. Matthieu ne pouvait plus prononcer une parole, serrant les dents à cause de la douleur aiguë qui lui transperçait le genou. L'homme en noir s'approcha, regardant le jeune homme allongé sur le sol, en train de sangloter.

« Je vais être magnanime. Je vais t'achever tout de suite. Ces pleurs sont réellement pitoyables... »

Matthieu se souvint des tremblements qui secouaient sa victime agonisante. Il n'était pas loin de subir le même sort. Il revit les yeux implorants de l'homme blessé, et se demanda quel était son regard. Il ne voyait plus que des ombres, aveuglé par la douleur. L'une d'entre elles se pencha sur lui, et chuchota une suite de sons inaudibles. Il sentit un contact glacé sur son cou, et une force phénoménale lui briser les vertèbres. Le dernier son qu'il entendit fut le craquement de ses propres os, puis tout devint noir...

Le spectacle était vraiment horrible. Le corps était assis sur une chaise, la tête pendante, et une expression de supplication sur son visage. L'emplacement ou aurait dû se trouver son genou n'était plus qu'une masse rouge. Mais le fait le plus remarquable était l'absence de bras sur la victime. Ceux-ci dépassait du sac posé sur la table basse, à quelques mètres seulement du corps désarticulé.

L'inspecteur Jacques Serin regarda tristement le scène, se demandant comment on pouvait faire preuve d'une sauvagerie pareille. L'équipe du médecin légiste arriva quelques minutes plus tard. Ils commencèrent tout d'abord par prendre en photo le terrible spectacle qui s'offrait à eux. Il allumèrent ensuite un projecteur aux rayons violets pour détecter toute trace d'empreinte, ou de pas ou encore d'autres indices. Ils passèrent ensuite la pièce au peigne fin, afin de repérer toutes les traces qu'aurait pu laisser le tueur. Enfin, on procéda à l'enlèvement du corps - bras compris - pour l'emmener dans le cabinet du médecin légiste. Pendant ce temps, les inspecteurs procédaient aux interrogatoires des voisins, sonnant à chaque maison du quartier pour récupérer la moindre bribe d'information sur l'assassin. Le quartier était bouclé pour le temps de travail de l'équipe du médecin légiste, et des scellés furent apposés sur la porte de la maison une fois les scientifiques partis. Ceux-ci passèrent aussi les environs de la maison au peigne fin, quadrillant chaque centimètre carré avec attention.

Le lendemain, l'inspecteur Serin disposait des informations suivantes:

Personne n'avait aperçu de personne étrangère au quartier pendant la soirée. La victime était un homme de race blanche, mesurant 1 m 75 pour 72 kilos. Il était blond, les yeux marrons. Il ne possédait pour tout signe distinctif qu'un tatouage représentant un loup hurlant à la lune sur l'avant-bras droit. Le rapport d'autopsie n'était pas encore arrivé.

L'examen de la pièce avait permis de récolter quelque informations:

Il n'y avait qu'un jeu d'empreintes récentes, et c'était celui de la vieille femme. Aucun objet extérieur à la maisonnée n'était resté dans la pièce, mis à part le corps lui-même, et le sac qui l'accompagnait. Le sac en question était un sac en cuir Cartier, d'excellente qualité, un modèle vendu à un nombre raisonnable d'exemplaire. La vieille dame affirma que le sac était celui qu'on lui avait dérobé pendant la soirée, et que la victime était sûrement, - mais elle ne pouvait se prononcer - son agresseur. Les traces de sang à l'intérieur du sac était de rhésus AB+. Les seules empreintes étaient celles de la femme, et celles de la victime. Il contenait aussi un tube de rouge à lèvres, un tube d'Efferalgans, un brumisateur d'eau et un portefeuille, rempli d'une vingtaine de billet de valeurs diverses. Il y avait une vraie fortune dans le portefeuille, environ trois mille francs. Cela faisait beaucoup.

L'examen de l'extérieur n'avait révélé l'existence que de quelques traces de sang, elles aussi de rhésus AB+. Le sang était étonnamment peu abondant, au vu des blessures de la victimes.

L'inspecteur Serin était dans une mauvaise passe. Il avait sur les bras un tueur d'une sauvagerie exceptionnelle, mais aussi diablement intelligent et soigneux. On n'avait retrouvé aucune trace permettant d'identifier l'agresseur. En fait, on ne connaissait rien de lui. L'autopsie serait peut-être plus riche en enseignements...

Le rapport du médecin légiste arriva sur le bureau de l'inspecteur à quatorze heures vingt deux. L'homme était de rhésus AB+: le même que le sang retrouvé dans le sac et sur la chaussée. Il avait perdu beaucoup de sang - ce qui n'était pas étonnant vu les blessures subies. La mort n'avait pas été due à la démembration, mais à la rupture de colonne vertébrale au niveau de la nuque, ce qui avait cessé tout contact nerveux entre le cerveau et le reste du corps, et avait eu lieu vers vingt-trois heures. La blessure au genou avait été provoquée par un objet tranchant d'environ deux centimètres vingt-cinq de large, et de deux millimètres d'épaisseur. La blessure était pré-mortem. Les bras avaient été arrachés, si l'on en croyait les marques, à la main. Ce qui, bien entendu était impensable. Les bras avaient tous les deux été séparés du corps au niveau de l'épaule. Il était certain qu'ils avaient été arrachés en une seule fois - ce qui nécessite une force considérable - d'un coup sec, car la césure était plutôt nette. Ce travail de boucher avait été effectué après la mort du sujet. Le tatouage était bien connu des services de police, car il marquait l'appartenance au gang des Roses Noires. La victime était donc membre d'un groupe de jeunes qui ensanglantaient la ville de leurs affrontements. On tenait peut-être enfin une piste valable...

La victime possédait un portefeuille, vide, celui-ci. Il avait aussi dans ses poches un couteau à cran d'arrêt, vraisemblablement l'arme qui avait servi à lui transpercer le genou.

L'inspecteur fit des recherches sur l'identité de la victime. Il s'appelait Matthieu Carlier. Il avait déjà été arrêté à deux reprises: une fois pour conduite en état d'ivresse, il y avait trois ans de cela, et pour présomption de meurtre l'été écoulé. Il avait été relâché faute de preuves, mais tout l'accusait. Il était le seul du groupe avec une arme à feu, et l'arme du crime portait ses empreintes. Mais on avait aussi retrouvés celles de ses camarades, et l'un deux fut condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre de Simon Grégory, qui avait eu le malheur de croiser les pas de la bande de délinquants. C'était peut-être le motif du meurtre. Mais un examen rapide du dossier de l'ex-acolyte du jeune Carlier montra que celui-ci était encore en prison - ce qui était plutôt normal. Un de ses amis? Il consulta le dossier des membres de la bande qui avait été mis en garde à vue pour le meurtre de l'été dernier. L'un deux était lui aussi en prison pour un braquage. Un autre était mort dans un accident de voiture. Le dernier faisait ses études de tourneur sur bois à Marseille. L'inspecteur lança un avis de recherche sur le dernier, avec peu d'espoir. Le jeune voyou n'avait eu à faire à la police qu'une seule fois, et il avait été le seul à coopérer, bien que pressé par ses compagnons. Il y avait donc peu de chances pour que le jeune homme tente d'assassiner un de ses anciens camarades alors qu'il avait eu du mal à se réintégrer à la société.

A la connaissance de l'inspecteur, le gang des Roses Noires était toujours actif, et grandissait en popularité. Il faudrait s'entretenir avec ses membres, un à un, afin de déterminer les raisons qu'on aurait pu avoir de tuer le voyou.

Il restait bien sûr l'éventualité d'un fou dangereux qui aurait monté cette mise en scène, se prenant pour un juge divin, et prenant la liberté d'assassiner les pécheurs. Mais la crime était bien trop soigné, toutes les traces avaient été effacées, et de plus, comment le tueur aurait-il pu deviner l'adresse de la vieille femme? Peut-être dans son portefeuille. Il contenait effectivement la carte d'identité de la volée, avec son adresse. Mais il s'était écoulé environ une heure et demie entre le moment de l'agression, et le moment ou le cadavre avait été découvert. C'était bien trop court pour une telle mise en scène. De plus, il n'y avait aucun hématome sur le corps du jeune garçon, l'attaque avait sûrement été soudaine. Mais pourquoi le couteau dans le genou. Ou bien la victime connaissait l'agresseur, et elle ne se doutait de rien quand il avait frappé. Il en résultait une affaire d'une grande complexité, où les indices étaient distribués au compte-gouttes. Les seules choses à faire étaient d'entendre les proches de la victimes, et d'attendre que le tueur fasse une nouvelle apparition, pour l'empêcher de tuer à nouveau.

L'homme ajusta le zoom et pointa l'appareil sur la pièce en face de lui. Un homme et une femme y étaient perdus dans la passion. C'était un grand événement pour Samuel Craïn: il serait le premier à prouver que cette chère Elisabeth Montdidier trompait honteusement son mari. Cela ferait mal à sa campagne électorale. et mettrait Samuel dans les bonnes grâces de son patron.

Il se concentra. Il fallait prendre un cliché expressif, provocateur, mais pas choquant. C'était tout un art. Il pensa un moment à la chance qu'avait cette homme. Elisabeth était une belle femme - des bruits couraient d'ailleurs qu'elle n'aurait atteint sa position qu'en couchant avec des personnes haut placées, accusations démenties par sa réfrigérante froideur. Voilà qui allait transformer son image de marque.

Le moment était venu. On distinguait clairement le visage de la candidate à la mairie, et l'étreinte des deux amants. L'homme étant un simple quidam, il n'était pas nécessaire que l'on distingue son visage. Samuel prit une dizaines de clichés, pour être sûr de garder au moins une bonne photo. Puis il resta rivé à son appareil, observant vicieusement le couple. Une main sur son épaule le fit sursauter. Il se retourna brusquement, laissant tomber son appareil. Il eut à peine le temps de voir l'homme caché derrière son chapeau de feutre avant qu'une main puissante ne le cloue au sol. L'homme lui écrasait la trachée, et il ne pouvait plus articuler aucun son. Ses forces diminuaient à chaque seconde, dans sa misérable tentative d'écarter la main de son cou ses yeux se brouillaient, et commençaient à s'exorbiter. Tout devint noir. Il percevait à peine les sons, et la froideur de cette main sur son cou. Une immense douleur lui vrilla l'œil droit, et il sentit un liquide chaud couler lentement sur son visage. Tout son être le brûlait. La même douleur se manifesta dans l'autre œil, et le sang ruissela sur le visage devenu violet. Sa réserve d'air était vide, ses poumons explosaient, puis, un grand tunnel blanc apparut, et la vie quitta le corps de Samuel Craïn.

Un coup de fil réveilla soudainement le commissariat. Des agent s'affairèrent, cherchant leur matériel. On rappela les inspecteurs en planque. Un nouveau meurtre avait été commis.

L'inspecteur Serin arriva une heure et quart après les autres équipes. Les relevés d'empreintes avaient déjà été effectués, mais l'appartement où avait probablement eu lieu le meurtre était seulement bouclé. Le corps gisait devant la porte, couché, avec son appareil dans les mains comme s'il allait bientôt prendre une photo. Ses yeux grossièrement replacés lui donnaient un air grotesque, le sang séché lui faisait comme un masque rouge. Le sang brun contrastait étrangement avec le violet pâle du cadavre. La mort n'est jamais belle, pensa-t-il.

Les traces rouges sur le cou de l'homme ne donnait que peu de doutes sur la cause de la mort, et la pâleur du cadavre ne faisait que confirmer l'hypothèse de la mort par strangulation.

L'intérieur de la pièce était intact. Le tueur n'y avait pas pénétré, il avait juste déposé le corps avant de sonner à la porte. Les deux amants coupables se réconfortaient mutuellement en répondant aux questions d'un inspecteur, qui regardait la candidate à la mairie avec un regard avide.

L'inspecteur Serin se rendit à l'appartement où avait eu lieu le meurtre. L'équipe du médecin légiste examinait les traces de sang pour déterminer la place de la victime au moment de l'agression. Un autre agent examinait minutieusement la fenêtre pour y relever des empreintes.

C'était une chambre d'hôtel ordinaire, dont la fenêtre donnait sur l'appartement de la dame Montdidier. On savait déjà que l'homme était journaliste, on avait retrouvé sa carte de presse dans son portefeuille. C'était un groom qui avait découvert du sang sur la moquette, alors qu'il apportait un message au journaliste. Ne l'ayant pas trouvé, il alerta la direction, qui a appela la police, après avoir vérifié les faits. L'appel suivit de peu celui des amants, qui avaient découvert le cadavre sur le pas de leur porte.

L'inspecteur fit le tour des chambres voisines pour en interroger les occupants. Seulement deux chambres étaient prises. L'une d'elles par un touriste allemand et sa femme, qui après de longues explications, affirmèrent n'avoir rien entendu, qu'ils étaient restés dans leur chambre toute la soirée, à lire.

L'autre chambre était occupée par un homme d'affaires lyonnais. Il affirma que M. Craïn était arrivé à l'hôtel, car il était accompagné par un groom, et qu'il l'avait entendu sortir à 21 h environ. Il était lui-même arrivé à 19 h 45 à l'hôtel, et qu'il y était resté pour étudier les comptes d'un de ses clients.

L'inspecteur vérifia ces informations à la réception, où on les lui confirma.

Le rapport d'autopsie arriva cette fois avant le rapport du service scientifique.

Le cadavre s'appelait Samuel Craïn, photographe indépendant. L'homme était mort par strangulation, comme on avait pu le deviner. Cette fois-ci, la mutilation avait été opérée avant la mort. Le photographe avait vraisemblablement surpris les deux amant, dans l'appartement d'en face, et avait lui-même été surpris par le tueur. On pouvait maintenant clairement affirmer que le tueur était fou. Il rendait lui-même une sorte de justice, et offrait le mort aux "victimes" des "criminels". Restait à savoir comment il sélectionnait ses victimes. Les deux morts n'avaient aucun rapport entre eux. L'un était un petit malfrat, l'autre un paparazzi. Le photographe était marié, le jeune homme était célibataire. L'un avait volé, l'autre avait violé l'intimité de deux amants. Comment faisait-il? S'il prenait des personnes au hasard, la tâche allait être bien plus difficile.

L'équipe de scientifiques avait cette fois-ci une piste. En plus du sang, qui était celui de la victime, les laborantins avaient découvert sur la lunette de l'appareil un jeu d'empreintes récent. Ils avaient envoyé le fichier contenant les empreintes, mais n'avaient pas encore procédé à l'identification.

L'inspecteur décida alors de chercher le possesseur du jeu d'empreintes. Il questionna les fichiers nationaux. Il regarda tout d'abord les fichiers des dix ans passés. Aucune réponse satisfaisante ne lui apparut. Il questionna alors le serveur sur les vingt ans passés. Toujours rien. Il fit alors une demande sur l'ensemble des fichiers. Une réponse apparut alors. Les empreintes appartenaient à Grégoire de Montjardin, notaire de son état, né en 1936. Ces crimes auraient été commis par un homme vieux de 64 ans! Cela n'était pas possible: un si vieil homme n'aurait jamais eu la force de tuer le voleur, ni d'étrangler le photographe. L'inspecteur examina plus soigneusement le fichier. Tout en bas était indiqué que l'homme avait disparu en 1950. Le tueur n'était pas un vieil homme, mais probablement un cadavre. Le policier recommença la recherche. Il obtint le même résultat. Il demanda une confirmation du labo, pour savoir si les empreintes reçues étaient bien celles retrouvées sur le corps. On lui répondit par l'affirmative. Le doute n'était plus possible, les meurtres avaient été commis par un mort!

Grégoire lâcha la prostituée, qui tomba sans vie sur le bitume. Il se lécha les babines, et réajusta son imperméable. Il s'empara du corps de la jeune femme, et la jeta dans une poubelle. Il reprit ensuite tranquillement son chemin vers son abri. En entrant, Grégoire eut un pressentiment. Trop tard. Un homme affreux se jeta sur lui, et avant qu'il n'ait pu réagir, lui planta un pieu dans le cœur. Grégoire se retrouva ridiculement figé dans sa posture défensive, immobilisé par le pieu de bois dans son cœur.

« Mon cher, il est temps de cesser vos pitreries. Ne vous a-t-on pas appris les bonnes manières? Le prince, notre cher seigneur et maître, pense que vous nous mettez tous en danger, avec vos mises en scènes ridicules, et je suis plutôt de son avis. Vous allez donc être mis à mort, comme l'exige la loi. Adieu! ». L'homme disparut du regard de Grégoire, impuissant. Il se sentit tiré par les pieds dans la cour intérieure de la maison. Grégoire essaya de fermer les yeux, mais en fut incapable. Il ne voulait pas voir la lumière du jour le détruire. Au petit matin, la cour sentirait le brûlé.

L'inspecteur rentrait chez lui vers onze heures du soir, un dossier sous le bras. Il avait passé toute la soirée à essayer de trouver des informations sur le fameux Grégoire. Il n'avait encore parlé à personne de sa découverte, attendant d'en être certain. Il n'avait trouvé qu'une vieille photo de mauvaise qualité, et des témoignage de personnes affirmant avoir vu le disparu en rêve, ou bien volant devant eux, ou encore d'autres fantaisies de ce genre. Il pensait encore au tueur lorsqu'une main se posa sur son épaule. Il se retourna, et ne vit qu'un bras sortant de l'ombre.

« Inspecteur Serin? demanda une voix.

- Oui, c'est moi. Qui êtes vous?

- Cela a peu d'importance. Ce que vous êtes sur le point de trouver est et doit rester secret. Nous sommes le peuple de la Nuit. Les vampires. Le tueur que vous recherchez est l'un d'entre nous. Ne vous inquiétez pas, il a été neutralisé.

- Vous devez laisser faire la justice! dit l'inspecteur, ne comprenant pas ce que l'autre voulait dire.

- Votre justice n'a aucune emprise sur nous. Nous sommes des créatures immortelles, et nous avons nos propres lois. De plus, les forces de police seraient bien incapables de retrouver ce cher Grégoire. Maintenant que vous savez qui il est, vous devrez garder le silence. mais comme vous n'êtes qu'un humain, je vais devoir vous y aider. » L'inspecteur recula, et sortit son arme de service de son étui. Mais une étrange lourdeur le prit, et il se sentit défaillir. Il ne se sentit pas tomber, mais ressentit un choc avec le bitume. Il sombra dans l'inconscience.

Une agréable sensation le parcourut, partant de son cou, et s'étendant jusqu'à la moindre partie de son corps. Il se sentit à la fois extrêmement bien, et très faible et fatigué.

Une voix lui murmurait comme en rêve:

« Me croyez-vous, maintenant? »

L'inspecteur était alors prêt à accomplir tout ce qui lui serait ordonné.

« Rien de tout ceci n'est arrivé, continua la voix, à votre réveil tout sera oublié. Les preuves que vous possédez sont insuffisantes pour trouver votre tueur. Il faut arrêter l'enquête, inspecteur. Vous le devez... Je vous l'ordonne. »

La voix avait gardé sa douceur, mais l'inspecteur ne pouvait refuser. Il s'en sentait incapable. Il se réveilla soudain, seul, et étendu sur la chaussée. Son portefeuille, et la mallette contenant les preuves avaient disparues. Sûrement un petit voyou des banlieues. Ils étaient de plus en plus nombreux, d'année en année. Il fallait qu'il pense à adresser une note au directeur pour lui demander de multiplier les patrouilles afin de sécuriser les rues.

En reprenant son chemin, il prit sa décision: si les meurtres ne continuaient pas, l'enquête serait arrêtée par manque de preuves. Il ne se douta pas un instant que cette décision ne venait pas de lui.

Dans l'ombre, un homme habillé de noir souriait.

Valentino Boccelli
(31 mai 2000)

Laura@Espezon.org

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Dernière modification: 1 juin 2000.